Voilà une histoire pas banale qui en fera rire plus d'un.
Je l'ai ecrite quand j'avais rien d'autre à faire, jugez en par vous meme:
Jean bompoint et le pays des Méfiants
Cela faisait déjà deux heures qu'il se tenait près de la fenêtre, caché entre le mur et le rideau poussierreux. Son allergie aux acariens le faisait souffrir mais peut importe, Jean Bompoint s'était levé de bonne humeur.
De plus, ses efforts n'avaient pas été vains. Pour la 8eme fois cette semaine, il avait observé une scène matinale des plus étranges: dans la maison voisine, le nouveau voisin s'était levé à 7h, avait bizarrement ouvert les volets de la cuisine et d'un air coupablement tranquille, bu un café. Sa femme s'était pointée également, joyeuse, les traits curieusement decontractés. Comme si ça ne suffisait pas, les enfants avaient rappliqué pour avaler leurs tartines. La fenêtre était restée ouverte...
Jean suivait tous leurs faits et gestes, notant chaque détail de leur curieuse attitude. Qui étaient-ils? Pourquoi ne se méfiaient-ils pas? Que pouvait-il bien se passer dans les cerveaux de ces malheureux? Lui, se méfiait de leur confiance car seule la méfiance le rendait confiant, il devait se confier... Il y songeait déjà depuis trois jours et cette fois il était bien décidé. Il allait en parler à son ami de toujours, le père Pétuel.
Il enfila ses chaussures et fila vers la porte; le voilà filant sur ses pieds qui le portent. Il colla son oreille contre la porte, abaissa la poignée, la laissa remonter doucement. Il retenait sa respiration, il attendit un instant. Tout avait l'air normal, il recula de deux pas et écouta à nouveau. Il reprit son souffle. Il avança sur le quart de cercle invisible que tracerait l'ouverture de la porte et se plaça contre le mur. Il se sentait près, d'un geste rapide, il ouvrit lentement la porte, la rejeta en arrière. Les gonds graissés ne grincèrent pas. Il se couvrit d'un gros casque kaki de camouflage et sortit timidement la tête par l'entrebaillement de la porte béante. Rien de suspect en apparence... Ca y est, il était dehors, il referma délicatement la porte et se mit en route. Un crissement de feuilles sèches l'horrifia un court instant mais il réussi à se calmer, voyant qu'elles étaient sous ses pieds. Il arriva enfin, le vieux Pétuel n'habitait qu'à une centaine de mètres. Sans bruit, il glissa une enveloppe sous la porte et s'enfuit: ce n'est pas par ce que c'était son meilleur ami qu'il allait lui faire une confiance aveugle. Quand on ne se méfie pas, on est jamais à l'abris et ce n'était pas John Lennon, cuvant au cimetière sa quiétude de hippy qui dirait le contraire.
Il arriva chez lui, son coeur tambourinait dans sa poitrine. Quelle epopée! Heureusement que d'ordinaire il ne sortait jamais, il n'en éprouvait pas le besoin, se nourrissant de mouches crevées et des moisissures du frigo.
Il se mit alors à songer à son ami, à la lettre qu'il lui avait adressée, à la réponse qu'il recevrait peut-être demain. Le téléphone? Non, il ne fonctionnait plus ici. Soupçonné d'augmenter le stress des gens préalablement épuisés par la méfiance sans compter les ravages de sa sonnerie déchirante sur un coeur stressé, il avait été abandonné depuis longtemps pour le salut des méfiants.
L'après-midi passa, il s'était méfié sans crainte. Le soir, cependant, il était moins tranquille; ces temps-ci, il ne se faisait pas confiance. Avant de s'endormir, il se méfia de lui même.
Lorsqu'il relachait un peu sa méfiance, il en profitait pour gamberger. Il pensait philosophie, démontrait mathématiquement la différence entre la peur toute bête et la méfiance, crainte noble, raisonnée, pondérée, soupesée, reflechie, mère de toute évolution positive qui ameliorait l'homme et par laquelle il se sublimait: il arrivait à survivre en mangeant des mouches, n'était-ce pas merveilleux?... Formidable finalité de l'existence!
On était le neuvième dimanche d'août, demain, il ferait griller des mouches sur son hallogène. Emporté par cette vision festive, il mourrut. Et c'est bien dommage pour l'intrigue... Non?